La légende des cloches

un conte de Jean Mariotti

 Pâques, demain Pâques, la fête claire et joyeuse !

Les vitrines des pâtissiers et des confiseurs offraient une surabondance de merveilles à travers le cristal poli des vitres : d’énormes œufs en chocolat ou en sucre enrubannés de rose ou de bleu, des gâteaux et des bonbons qui prenaient la forme de coqs, de poules, de lapins, de poussins, et partout des œufs multicolores, des œufs en sucre, des œufs en chocolat, en mille compositions appétissantes, translucides ou dorées, brunes ou délicatement teintées sous l’entrecroisement chatoyant des rubans de soie.

Près d’une cathédrale, un homme, tenant un jeune garçon par la main, s’était arrêté devant une de ces magnifiques vitrines pour faire son choix. Le garçonnet aurait voulu tout emporter : ceci, puis cela… puis encore cela…

Et comme il demeurait un instant perplexe, hésitant entre un coq en chocolat à crête pourpre et un énorme œuf en sucre rose, les cloches, tout à coup, se mirent à sonner à toute volée.

Une seule d’abord avait tinté. Toute seule. Grave, lente, infiniment sonore et vivante, après le silence de la semaine qui venait de finir.

Puis d’autres cloches lui répondirent, de toutes les églises et de toutes les cathédrales. Ce fut une envolée, un bondissement sonore en plein ciel, un frisson de bronze clair et joyeux, une musique vraiment divine : le carillon de Pâques.

Aux premiers tintements, le garçonnet s’était redressé. Abandonnant la vitrine, il écoutait.

—Tiens ! dit-il, « elles » sonnent aujourd’hui. Elles sont donc revenues ?

— Oui. À l’instant même. Si au lieu d’être absorbé par ton choix tu avais été attentif à ce qui se passait, tu aurais pu voir voler dans le ciel une nuée de cloches richement enrubannées et scintillantes ; chacune d’elles se dirigeait vers son clocher, se hâtant pour ne pas être en retard et pouvoir donner la note la plus belle quand le bourdon de la cathédrale aurait donné le signal. Le bourdon était le premier de l’essaim.

— Et… dis-moi, elles font chaque année ce voyage à Rome, les cloches ?

— Chaque année.

— Elles ne se trompent jamais de chemin ?

— Il faut croire que non, puisqu’on a toujours retrouvé chacune d’elles à sa place.

— C’est depuis longtemps qu’elles font ce voyage? Depuis toujours ?

— Non, pas depuis toujours. Mais depuis bien longtemps.

— Depuis quand ?

— Si tu avais quelque inclination pour l’histoire de France, je te dirais bien une date. Mais comme cela ne signifierait rien pour toi, je te dirai, mettons, si tu le veux, que leur premier voyage eut lieu au temps où les chevaliers portaient une armure de fer, une grande épée dont la garde formait une croix et un panache de plumes à leur cimier.

— Ce sont les chevaliers aux armures de fer qui ont obligé les cloches à faire ce voyage ?

— Non. Leur premier voyage eut une cause toute différente. Une seule cloche le fit tout d’abord ; ce n’est qu’après cela qu’il fut décidé que toutes, chaque année, devraient suivre son exemple. Voici comment.

« Brillante »

Au pays de France, dans une paroisse fort retirée, à la campagne, était une cloche renommée pour son beau timbre et baptisée la Brillante. Elle était célèbre dans tout le pays, et même à plusieurs centaines de lieues à la ronde.

En ce temps-là, il n’y avait encore que peu de cloches en France. Celle-ci était d’un bronze extraordinairement réussi. Et, au moment de la fonte, on avait mêlé à ce bronze le contenu de trois coffrets remplis chacun de trois mille pièces d’argent fin.

Les pièces du premier coffret étaient à l’effigie de saint Pierre, le portier du Paradis. Les secondes à l’effigie de saint Nicolas. Les troisièmes à l’effigie du pape.

L’on disait que c’était l’argent de ces pièces qui donnait au bronze de la cloche un son particulier, des vibrations cristallines, ailées, infiniment mélodieuses, claires et douces comme une musique d’enchantement.

C’est à la suite d’un vœu qu’un très riche et très puissant seigneur avait fait don de cette cloche à la pauvre église de campagne.

Le curé de cette église, un très digne homme, ne connaissait guère qu’une faiblesse : il aimait le bien manger et les repas plantureux. Le carême était pour lui une dure pénitence. Mais depuis que le riche seigneur en avait fait don à son église, notre abbé s’était mis à aimer, autant et plus que la bonne chère, la voix merveilleuse de la Brillante.

Quand vint la semaine sainte, il se mit en devoir de pratiquer les jeûnes rituels et de laisser, ainsi qu’il se doit, la cloche silencieuse en signe de deuil.

Les deux premiers jours se passèrent bien, quoique péniblement. Mais le son merveilleux de la Brillante manquait au brave prêtre au point que, tout triste et désemparé, il en avait même perdu l’appétit.

Le troisième jour, comme de gros nuages menaçants s’amassaient à l’horizon, l’abbé, après maintes hésitations, bondit et alla lui-même sonner à toute volée.

car, entre autres vertus, cette cloche avait le pouvoir d’empêcher la grêle de tomber, celui d’éteindre les incendies provoqués par le feu du ciel, et aussi celui d’écarter mille calamités publiques.

Le Seigneur me le pardonnera, se disait l’abbé, je ne l’ai fait que pour le bien des pauvres gens.

Mais au fond de lui-même, il savait qu’il n’avait sonné que pour son propre plaisir.

Et ainsi, chaque jour qui suivit, il trouva un prétexte pour rompre le silence de deuil. Jusqu’au jour de Pâques. On dit même que, dans la joie d’avoir retrouvé le son merveilleux de la Brillante, le bon abbé aurait enfreint les lois plus sévères encore du jeûne.

Toujours est-il que quand, à Pâques, selon le rite cette fois, la cloche dut sonner joyeusement à toute volée, elle ne donna qu’un grincement aigre et fêlé. Les paroissiens et l’abbé lui-même en furent épouvantés.

Et cela dura. Les villageois inquiets disaient que la cloche, ensorcelée, avait perdu ses pouvoirs bénéfiques.

L’abbé multipliait pénitences, jeûnes et prières.

Rien n’y faisait.

Une année passa ainsi. Pâques,de nouveau,approchait. L’abbé, tout amaigri, passa la nuit du Vendredi saint en prières.

À minuit, saint Nicolas, se détachant de son cadre, apparut richement vêtu et le chef coiffé d’une mitre d’or. Sa crosse enrichie de pierreries sonnait sur les dalles du chœur. Il toucha le prêtre à l’épaule et dit : 

— Suis-moi !

Instantanément, le prêtre se trouva au sommet du clocher, saint Nicolas près de lui.

— La cloche te dira ce qu’il faut faire, prononça encore le saint. Et il disparut.

D’elle-même, sans aucun bruit, la cloche se libéra de son axe. Elle se retourna complètement, l’ouverture en l’air, comme une grande corolle de bronze ; elle glissa hors du clocher, contre le- quel elle demeura, comme si elle flottait dans l’atmosphère.

— Sautez ! dit-elle au prêtre d’une voix où il reconnut le son du métal merveilleux.

Il sauta en fermant les yeux et se retrouva installé à l’intérieur de la cloche comme sur des coussins moelleux.

Avant le jour, il était à Rome. Le pape reçut sa confession. Le soir, la Brillante ramena le bon abbé dans son église. Quand il voulut se retourner pour remercier la cloche, il vit qu’elle avait disparu.

Durant toute la semaine sainte, il se tourmenta fort et n’osa avouer que la cloche avait déserté son clocher.Quand vint l’heure de dire la messe, le Samedi saint, son angoisse fut mortelle. Mais, au moment du Gloria in excelsis, la cloche miraculeuse, revenue d’elle-même, se mit à sonner à toute volée. Jamais sa voix n’avait été aussi belle, aussi pure, aussi mélodieuse, jamais frisson de bronze n’avait porté si loin dans la campagne la voix joyeuse de Pâques.

Et c’est depuis cette aventure que, chaque année, les cloches partent pour Rome, d’où elles reviennent plus belles, plus sonores, plus joyeuses, plus pures et plus aimées.

Les contes de Poindi

pour en savoir plus, voici la lettre que Jean Mariotti adressa à son éditeur américain.

En effet en 1939 La Tourterelle et le Corbeau, premier conte, inspiré du monde canaque a été édité par Domino Press en anglais : Tales of Poindi. Le début du cycle de Poindi en français a été édité en 1941 dans un Paris sous l’occupation allemande.

Cher éditeur, Paris, 1938.

« Comment considérer les Contes de Poindi : Légendes recueillies ? Travail d’imagination ?

Je suis né dans la brousse, dans une région où chaque colon était le premier occupant du lieu et avait à défricher son terrain et à construire sa maison. La tribu de Kouawa était notre voisine.

Un jour, quelques mois après notre naissance, vint chez nous avec un groupe de canaques et de popinées une jeune popinée qui se nommait Watchouma.

Watchouma avait déjà vu quelques hommes blancs, mais jamais d’enfant, de « pikinini» blanc. Quand elle me vit dans les bras de ma mère, elle fut étonnée et vint examiner curieusement ce bébé pâle. Elle proposa à ma mère de l’échanger contre le sien, à peu près du même âge — coutume assez fréquente chez les canaques. Comme elle ne comprenait pas le refus de ma mère, elle insista jusqu’à ce que ma mère, pour se tirer d’embarras sans la blesser, lui ait dit que les dieux blancs interdisaient de tels échanges.

Watchouma trouva que les dieux blancs avaient des idées bizarres, mais, comme il convient de ne pas discuter les ordres des dieux, elle se soumit. Elle se soumit, mais considéra que ce n’était point offenser les dieux si elle m’adoptait tout en me laissant chez mes parents. Dès ce jour, je fus donc son fils, et elle changea son nom de Watchouma contre celui de Mandarine, qui lui paraissait plus glorieux et plus propre à son nouvel état de mère d’un enfant blanc.

Quand, la récolte du café terminée, les autres canaques retournèrent à leur tribu, Mandarine resta avec son nouveau fils.

Par la suite, sa vie fut partagée entre sa tribu et la maison de mes parents. J’ai donc grandi en écoutant ses histoires, ses contes, ses imaginations, ses explications du monde. Quand elle se promenait dans la brousse environnante, Mandarine m’apprenait à la voir avec ses yeux.

Ce que Mandarine me racontait et m’expliquait était donc pour moi aussi naturel et aussi direct que ce que pouvaient m’enseigner mes parents. Il s’agissait simplement de deux domaines nettement différents.

Je n’aurais jamais songé à écrire des choses aussi « ordinaires » si je n’avais jamais quitté mon pays.

Voici comment se sont formés les Contes de Poindi.

On s’étonnera peut-être de ce qu’ils n’aient pas la forme souvent cruelle et sanguinaire des légendes canaques. Cela tient sans doute à ce que les quelques légendes authentiques connues sont des légendes guerrières, les seules, avec des histoires de chasse et de pêche, dignes d’être racontées à la veillée. Littérairement parlant, ces légendes sont d’ailleurs assez pauvres.

les Contes de Poindi peuvent représenter au contraire les récits faits à leurs enfants par les popinées. Une sorte de domaine commun aux femmes par la matière, le fond et l’interprétation. Cette matière n’a pas que je sache de forme fixe, et n’a jamais été recueillie par un Blanc. Nulle popinée d’ailleurs ne serait capable de conter l’une de ces histoires d’une haleine à une grande personne, mais en babillant avec un enfant elles parlent pour elles- mêmes et donnent sans le savoir une forme au vieux dépôt de connaissances de leur race.

Plus tard, devenu un homme, je n’ai jamais pu obtenir aucune histoire de Mandarine (ni d’aucune autre popinée), qui lorsque j’étais un petit enfant en chantonnait si facilement à longueur de journée, presque comme sans savoir ce qu’elle disait, comme si le texte, venu de plus loin, ne faisait que la traverser sans lui demander un effort. Les hommes,par contre, racontaient volontiers des histoires de guerre ou de chasse, aux heures d’abandon.

En ce qui concerne le comportement, les mœurs, les habitudes, la façon d’être des oiseaux et des plantes, je n’ai fait que rester dans le simple domaine du réel. Tout est d’une authenticité absolue, et s’il y a quelque erreur, cette erreur ne peut être imputée qu’à une limite de mes connaissances. Mais tout chasseur calédonien, blanc ou canaque, sait bien que la tourterelle, le corbeau, la roussette, l’hirondelle, etc. vivent dans la forêt comme dans le récit de Poindi. Il n’y a dans cette part du récit rien d’autre qu’une simplicité d’énumération, de description, de manuel d’histoire naturelle.

Une seule exception à cette règle : faire transporter une anguille par une tourterelle. Mais la légende le veut et ne serait pas légende sans cela.

Si j’ai donné quelque poésie à cette histoire naturelle, tant mieux, car toutes ces choses, animaux et plantes, vivent pour moi d’une vie intense et profonde. Puissé-je avoir laissé transparaître un peu de cette vie dans le récit.

Quelle est la part qui me revient dans ce récit ? Je n’en sais rien, mais elle vient surtout de ce que je suis obligé de décrire et d’écrire dans une langue européenne.

Voici tout ce que je puis répondre, en me gardant bien de classer moi-même le récit (j’ai d’ailleurs horreur de ce genre de classement, qui ne signifie rien).

Mais, enfin, voici tous les éléments.

Je suis né dans la brousse, j’y ai vécu toute mon enfance, mon adolescence, et j’y suis parvenu à l’âge où l’on est un jeune homme. Autour de moi vivaient les canaques, en amis familiers. L’une d’entre eux, la popinée Watchouma, décréta que je serais son fils et me berça en me racontant sa vision du monde. Je raconte à mon tour ce que m’a dit Watchouma et ne souhaite qu’être fidèle en tirant ces images du fond de ma mémoire.

Jean Mariotti

Jean Mariotti est avant tout un poète

Jean Mariotti a écrit des poèmes tout au long de sa vie. La poésie a été son absolu, sa passion. Elle se retrouve en filigrane de toute son oeuvre.

Jean Rousselot considérait Mariotti comme « un des plus grands poètes de ce temps ».
Il envisage le recueil de poèmes « Sans Titre » comme une « liasse de rhapsodies en petits vers qu’il [l’auteur] s’est plu à composer sur tous les thèmes – maritimes, exotiques, parisiens, militaires, etc. – que sa vie eut à traiter. Une démarche libre, rêveuse, errante, qui enchaîne en se jouant grandes et petites épopées« 

Plus d’aurores ni de couchants Plus d’amis et plus d’espérances

Il n’est d’exil
Que de soi-même
Qui de soi-même est banni a perdu l’univers

Plus un reflet

Plus un écho
Plus une route pas un chemin Pas d’ici et plus d’ailleurs

nul au-delà

ni lendemain Hier est aboli

rien d’autre Jamais
ne viendra

Pas d’horizon
ni de frontière
cendre de cendre
néant sans couleur
Qui défait même le souvenir

Point de merci

Pas de recours
Pas même de vertige
À peine une poussière amère

Qui ronge et décolore

page 52 « Sans Titre »

Actualités de décembre 2022

Nous préparons activement l’assemblée générale qui aura lieu le 16 décembre 2022

L’association reprend de l’activité en cette fin d’année et nous nous assurons que les livres soient disponibles pour les lecteurs qui le souhaitent.

Plus d’informations sur la page Facebook de l’association Amis de JEAN MARIOTTI et sur le groupe de l’association

https://www.facebook.com/groups/123702884330505/

Une tournée de réassort des librairies de Nouméa et de brousse est en préparation, vous pourrez offrir des livres en cadeau pour les fêtes. L’idéal pour découvrir ou redécouvrir la Nouvelle-Calédonie à travers les yeux de l’écrivain avec qui nous avons toujours beaucoup en commun !

Nous serons au Marché de Farino du 11 décembre avec des prix spéciaux très intéressants ! Les membres peuvent toujours bénéficier d’un tarif préférentiel, il suffit de me contacter par email : apojmariotti@gmail.com ou Messenger.

La genèse de A Bord de l’Incertaine

Extrait de Gare L’Areu, de François Bogliolo

Le récit de la vraie évasion, hors du temps, c’est A Bord de l’Incertaine, que j’ai publié toujours chez Stock, et dont j’avais rédigé le manuscrit avant-guerre. Bien sûr il y a ce retour sur l’enfance évoqué par Kléber Haedens ou d’autres critiques, mais ce livre que je portais en moi depuis longtemps, est surtout né de l’inversion du réel.

Enfant, né dans les mondes lointains, dans une île qui est voulue par certains habitants venus d’Europe miroir de la métropole, j’ai éprouvé un déséquilibre étrange ; ce déchirement entre deux patries fait naître le sentiment d’un univers très vaste, et l’échelle de mesure pour moi, a toujours été les 20000 km qui séparent les antipodes de Paris, la capitale, la ville des hommes qui détiennent la puissance, font les lois et décident du sort de la colonie.

Oui, dans mon univers il y a cette sensation qui est celle de l’être qui habite une île lointaine par rapport à tout ce qui est écrit dans les livres utilisés au premier déchiffrage du monde …. Ainsi les enfants arrachés à leur monde ordinaire trouvent-ils dans l’Emmanuel, vieux voilier venu de France pour échouer en 1908 sur la barrière de corail, le moteur de leur rêve.

Les adultes ne savaient pas lire le livre nouveau qui s’ouvraient devant eux et imposaient l’Europe aux enfants ; pourtant ceux-ci étaient si bien liés à la nature qu’elle ne leur paraissait point endormie dans le songe trompeur d’un printemps éternel ou d’un été perdurable. Ils sentaient les pulsations de la nature, ses variations, son perpétuel mouvement. Ils demeuraient eux-mêmes.

Ces adultes imposaient également l’Europe aux Canaques, alors les tribus déplacées ne rêvaient qu’à récupérer leur terre où ils savaient lire les signes anciens : retrouver Nemdine c’était retrouver la vie perdue. Hors de ce coin de terre les Cananques de Nemdine étaient des parias, des êtres incomplets, ni morts, ni vivants, privés de toute puissance, sevrés de toute force, sans recours, sans abri, sans espoir et maudits pour toujours. Il fallait retrouver la terre des ancêtres, reconstruire la tribu, se remettre en accord avec les puissances de la terre et des airs, continuer la vie selon la loi …..

Convenons-en : la réalité peut demeurer toujours insaisissable et lointaine. En ces contrées dix ans équivalent à dix siècles. Je me suis attaché à peindre le monde et pas tant l’homme, alors ce récit n’a rien d’autobiographique. C’est un résumé d’observations, une série de notations.

A BORD DE L’INCERTAINE

Roman de JEAN MARIOTTI, écrit en 1942.

Le récit s’appuie sur des souvenirs précis de son enfance passée avec sa soeur Faustine dans la région de la Foa et Farino.

Tableau d’un moment de vie, l’arrêt d’un moment de l’histoire personnelle et collective, peinture de passages.

A bord de l’Incertaine, un des titres les plus connus de JEAN MARIOTTI

la corneille calédonienne

La particularité du corbeau appelé aussi corneille calédonienne.

Marc le Goupils la décrit ainsi : « Abattre des noix comme une corneille calédonienne, c’est faire œuvre intelligente et méthodique. notre corneille est en effet très friande de la noix de bancoulier. certains arbres lui servent de casse-noix. Je veux dire que d’un point, d’avance exactement repéré, d’une branche d’un de ces arbres, elle laisse tomber sa noix sur une pierre qui lui est bien connue.

Il est très rare qu’elle manque son coup. si cet accident lui arrive, elle descend, en un vol soyeux, pour ramasser la noix, remonte sur sa branche et rectifie son tir ; elle ne rate pas le but deux fois de suite. Sous ces arbres, le sol est jonché de coques brisées et cela ne gêne aucunement l’oiseau, qu’un spectateur humain observe son manège » (Dans la brousse calédonienne. Souvenirs d’un ancien planteur. 1898-1904,

Tamata la reine des anguilles

Alors que règne une grande sécheresse, deux jeunes tourterelles, Joli-Bec et Rusée, secourent une vieille tourterelle impotente. Une très grosse anguille qui les avait d’abord empêchées de prendre l’eau d’un creek presque tari les laisse boire lorsqu’elle apprend qui est la vieille tourterelle.

De retour à leur abri de lianes, celle-ci raconte à ses deux congénères comment elle a autrefois sauvé une jeune anguille, protégée de la Reine-des-Anguilles, et se souvient que celle-ci avait alors proposé de lui donner le secret d’un « trésor de nourriture », mais elle l’avait négligé.

Elle envoie donc Joli-Bec demander ce secret à la Reine-des- Anguilles, au Creek-Bleu. Joli-Bec arrive au moment où la Reine-des-Anguilles va mourir dans une guerre avec les Canaques de Kianghi, et n’obtient que la moitié du secret. Mais le hasard et sa persévérance lui en donnent la fin : la tourterelle peut se nourrir des fruits du bancoulier, en prenant de vitesse les corbeaux qui cassent leur coque en les lâchant d’un arbre sur une pierre.